BAMILÉKÉ

BAMILÉKÉ
BAMILÉKÉ

Habitants des hauts plateaux occidentaux du Cameroun, les Bamiléké, dont le nombre avait été estimé à 1 500 000 environ en 1971 (puis à environ 2 millions en 1990), sont groupés en chefferies traditionnellement indépendantes les unes des autres; l’administration de la république du Cameroun essaye de les regrouper. En 1957, il y en avait plus de cent, comptant de 500 à 50 000 personnes. Leur organisation très complexe était efficace et dynamique. L’expansion démographique, qui reflète cette intense vitalité, cause de graves problèmes car l’émigration ne suffit pas à remédier à la surpopulation. Cela constitua un terrain favorable pour l’opposition politique au gouvernement de Yaoundé.

L’art, expression de la chefferie

L’art des Bamiléké, dont l’inspiration paraît tarie, exprimait de dynamisme, l’amour de la vie de ce peuple. Les statuettes n’ont que rarement l’attitude frontale rigide habituelle en Afrique. Elles représentent souvent un personnage en mouvement: femme dansant ou présentant le sein à son enfant; chef assis se penchant comme pour écouter, la bouche entrouverte, prêt à parler. Les masques anciens, au nez busqué, joues fortes, yeux proéminents en amande, sourcils relevés en forme de V, bien en chair, donnent une impression de puissance terrestre; ils n’ont en rien le regard tourné vers l’intérieur; certains masques, comme celui du musée Rietberg à Zurich, arrivent à exprimer la vie de façon condensée en recomposant les plans à la manière des cubistes, comme si la tête se montrait simultanément sous plusieurs angles.

L’architecture des Bamiléké, l’une des plus belles d’Afrique noire, matérialise d’une certaine façon leur organisation sociale. Groupées en hameaux dispersés, ou en villages au plan traditionnel s’il s’agit d’une chefferie, les cases ont une base carrée surmontée d’un toit circulaire – formes qui se traduisent en volume par un cube coiffé d’un cône, épaisse couverture de chaume. Les murs sont adaptés à la destination de la case: celles des femmes et celles des associations coutumières sont en terre sèche armée de bambou, sans doute pour préserver l’intimité et le secret des réunions; la case réservée aux hôtes du village a des parois de bambous apparents, de même que la façade de la case du chef; celle des tambours est entièrement en bois. Une seule ouverture rectangulaire, à la fois porte et fenêtre, surélevée d’environ 50 cm afin d’en interdire l’accès aux chèvres et aux chiens, a un encadrement de bois, sculpté s’il s’agit de la case d’un notable ou d’une société; personnages humains et animaux se superposent en compositions exubérantes. Un décor semblable anime les piliers de bois qui soutiennent l’avancée du toit de ces cases.

Les sièges sculptés sont réservés aux chefs. Le trône, symbole de la dignité du pouvoir et source de force, est parfois recouvert de perles multicolores; dans ce cas, les reliefs sont simplifiés. Le support de l’assise et le dossier sont travaillés en forme humaine ou animale. Souvent, une panthère à tête humaine soutient le plateau, rappelant que la puissance du chef lui permet de soumettre les hommes méchants et dangereux qui ont le pouvoir de se transformer en félins. Le dossier du trône représente l’ancêtre dont il transmet la force au chef qui s’y appuie.

Dans les associations coutumières, le grade de chacun est défini par le siège auquel il a droit; celui-ci est d’autant plus élaboré que son titulaire est élevé dans la hiérarchie. Des tambours sculptés aux formes variées, pour appeler aux réunions ou à la guerre, sont attribués aux chefs et aux associations; leur décor vigoureux est parfois stylisé jusqu’à l’abstraction.

Les chefs conservent dans leurs trésors des ivoires sculptés remarquables, souvenirs du temps où ils se distinguaient à la chasse à l’éléphant; ce gibier a disparu depuis longtemps.

Économie et parenté

Actuellement, les Bamiléké ne sont plus que cultivateurs, principalement de maïs et d’arachides, et éleveurs de chèvres. Ce sont les femmes qui travaillent la terre, ce qui donne au polygame des revenus supérieurs à ceux du monogame, et un plus haut rang social. Les chèvres paissent sur les prairies au sommet des collines: les gardiens sont inutiles, car un système ingénieux de chemins bordés de haies vives les y mène toutes seules, depuis leur parc derrière la maison du maître.

Les habitations sont dispersées, et chaque lot de terre, attribué par le chef à une famille nouvelle, est clôturé. C’est la tâche des hommes que d’entretenir ces clôtures. Auparavant, la forêt couvrait tout; elle ne subsiste qu’au fond des vallées, où poussent les bambous utilisés pour la construction. Les champs recouvrent les pentes, la terre y est maintenue par les haies et des arbres dispersés.

Le groupe de parenté bamiléké ne comporte jamais beaucoup de personnes car il se segmente à la mort de son chef: y reste seul l’héritier désigné par le défunt pour le remplacer sur sa terre; l’aîné n’a pas plus droit qu’un autre fils à la succession; c’est à l’héritier qu’incombera le culte des crânes des ancêtres, gages de l’ancienneté du lignage, et le soin de la terre familiale qui n’est jamais divisée; les femmes du père, qui font partie de l’héritage, continueront à la cultiver. Les frères non élus devront la quitter pour fonder ailleurs un autre groupe de descendance: le chef, qui est maître de la terre, leur assignera une parcelle non cultivée ou abandonnée, vraisemblablement assez loin; d’où le voisinage de personnes qui ne sont reliées entre elles que par leur soumission au même chef.

Valeurs sociales

Pour un Bamiléké, le but de la vie est de fonder un village et de le faire prospérer, en y ayant beaucoup de femmes et d’enfants. Pour chaque femme, il faut offrir la compensation matrimoniale à ses parents; les fils non héritiers ne peuvent le faire puisqu’ils ne possèdent rien. Un autre arrangement leur permet de prendre femme: une sorte de mariage à crédit, où la compensation est remplacée par l’appartenance des filles qui naîtront à leur grand-père maternel, qui pourra les donner en mariage à son gré. Ce procédé de capitalisation des droits matrimoniaux sur les personnes accroissait la puissance et le prestige social des polygames, disposant d’une progéniture nombreuse.

Le chef surtout, jusque dans un passé récent, bénéficiait de ce régime, auquel toutes ses filles étaient soumises. En les donnant en mariage, il se créait des obligés qui, par leurs propres filles, renforceraient son pouvoir. Il était ainsi le pivot de la société, par les liens directs qui l’unissaient à près des trois quarts des habitants de sa chefferie. C’est lui aussi qui attribuait une terre à cultiver à ceux qui fondaient une nouvelle famille. Il était juge et ses décisions étaient sans appel; l’expulsion du territoire était la peine la plus lourde, car c’était la privation de tout moyen de vivre. À ces fonctions s’ajoutait l’accomplissement des rites agraires d’où découlait la fertilité des champs.

Le pouvoir du chef était tempéré par celui des associations religieuses, guerrières, ou d’entraide, qui tenaient leurs réunions hebdomadaires dans les cases réservées à cet usage; on n’y entrait qu’après avoir acquitté un droit onéreux en chèvres ou en autres biens. Ce réseau de liens volontaires ne se tisse pas, cependant, contre le chef, puisque celui-ci assiste aux réunions et garde ainsi un contact régulier avec ses sujets. Grâce à ce système compliqué de relations mutuelles, aucun membre, même pauvre, de la chefferie n’est isolé, ne devient un paria. Tout homme, qu’il soit fils de chef, serviteur du chef ou simple habitant, est encouragé à fonder un lignage, reposant sur le lien intangible entre père et fils, et est assuré d’avoir ainsi dans la société une place honorable.

Les Bamiléké n’ont pas un langage unifié; l’inventaire de leurs dialectes n’a pas été complètement réalisé. L’hypothèse de leur rattachement aux langues bantu est loin de faire l’unanimité, car leur degré de parenté avec celles-ci est difficile à établir. On les classe dans le groupe dit «grassfield». L’histoire des Bamiléké est mal connue: on pense qu’ils sont venus du nord, au XVIIe siècle, repoussés par leurs voisins orientaux actuels, les Bamoum, qui subissaient eux-mêmes la pression des Peuls.

L’unité des Bamiléké, qui n’est ni politique ni linguistique, repose sur la conscience qu’ils ont de partager le même fonds culturel; les chefferies indépendantes les unes des autres sont organisées de la même façon, et certaines d’entre elles, qui se souviennent d’être issues les unes des autres, ont conservé longtemps des liens d’alliance traditionnelle.

bamiléké
adj. inv. De l'ethnie des Bamiléké.
————————
bamiléké(s)
ensemble d'ethnies vivant dans le S.-O. du Cameroun (près de 2 500 000 personnes avec les Bamun). Ils parlent des langues bantoues du sous-groupe bantoïde. L'architecture bamiléké est l'une des plus belles d'Afrique. Les sièges en bois des dignitaires sont recouverts de perles multicolores.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно решить контрольную?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Bamileke — Bamileke,   die größte Stammesgruppe im Kameruner Grasland, etwa 1,7 Mio. Menschen. Die Bamileke leben in etwa 90 Häuptlingstümern und treiben in den Städten Handel und Gewerbe. Ihre Sprache gehört zu den Benue Kongo Sprachen. Die Bamileke sind… …   Universal-Lexikon

  • Bamileke — Bazu redirects here. For the Romanian aviator, see Constantin Cantacuzino.: Bangu redirects here. For the Brazilian soccer team, see Bangu Atlético Clube. For the district in Rio de Janeiro, see Bangu (neighborhood).The Bamileke (French Bamiléké… …   Wikipedia

  • Bamileke — Bamilékés Bamiléké Statue d un chef coutumier à Bana …   Wikipédia en Français

  • Bamiléké — Bamilékés Bamiléké Statue d un chef coutumier à Bana …   Wikipédia en Français

  • Bamileke — Eine Tanz Zeremonie der Bamiléké in Batié. Die Bamiléké (in der deutschsprachigen Literatur oft auch Bamileke) sind eine westafrikanische bantoide Volksgruppe, die im Westen von Kamerun, im sogenannten Kameruner Grasland, ansässig ist. Die… …   Deutsch Wikipedia

  • Bamiléké — Eine Tanz Zeremonie der Bamiléké in Batié. Die Bamiléké (in der deutschsprachigen Literatur oft auch Bamileke) sind eine westafrikanische bantoide Volksgruppe, die im Westen von Kamerun, im sogenannten Kameruner Grasland, ansässig ist. Die… …   Deutsch Wikipedia

  • Bamileke — ▪ people       any of about 90 West African peoples in the Bamileke region of Cameroon. They speak a language of the Benue Congo branch of the Niger Congo family. They do not refer to themselves as Bamileke but instead use the names of the… …   Universalium

  • Bamileke-Sprachen — Bamileke ist eine Gruppe von Sprachen und Dialekten, welche von den Bamiléké im westlichen Grasland von Kamerun vom Volk der Bamileke gesprochen werden. Sie sind Semibantusprachen, also bantoide Sprachen, die nicht zu den Bantusprachen zählen.… …   Deutsch Wikipedia

  • Bamileke people — Bazu redirects here. For the Romanian aviator, see Constantin Cantacuzino. Bazu was also the name of an ancient country in Southwest Asia. Bamileke Flag …   Wikipedia

  • Bamileke (langue) — Langues bamilékées Stricto sensu, il n existe plus une langue bamiléké, mais des langues ou dialectes bamiléké. Historiquement, le bamiléké, langue unique du peuple du même nom, disparaît peu à peu au profit de ce que Dieudonné Toukam appelle le… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”